Les Filles du Roy

Les filles du Roy

2023 :150e anniversaire du dernier voyage

 

Pour peupler la Nouvelle-France, Louis XIV favorisa le départ, entre 1663 et 1673, d’un millier de jeunes femmes de l’autre côté de l’Atlantique. Objectif : les marier à des colons et fonder ainsi des familles. Parfois considérées, à tort, comme des filles de « mauvaise vie », elles sont aujourd’hui perçues comme les mères de la nation.

En 1661, lorsque Louis XIV débute son règne, la situation en Nouvelle France n’est pas réjouissante. Depuis sa découverte, 127 ans plus tôt par Jacques Cartier, elle ne comptait que 3000 âmes. Bien peu, en comparaison avec la Nouvelle-Angleterre, colonie de la couronne britannique, qui comptait 80 000 habitants sur une superficie beaucoup plus faible.

Une faible population

La colonie française, depuis le début du XVIIe siècle, s’effectuait sur un modèle économique : les compagnies marchandes (les Cent-Associés). Elles se souciaient davantage de tirer profit du commerce de la fourrure que d’assurer le peuplement de la colonie.

De ce fait, le peuplement de la Nouvelle-France était constitué très majoritairement d’hommes célibataires soit coureurs des bois, négociants et même militaires et laissait peu de place au développement des familles.

Quels changements sous Louis XIV ?

Dès 1663, Louis XIV dissous les Cent-Associés et crée une nouvelle administration coloniale. La Nouvelle-France serait désormais dirigée comme une province du royaume, avec à sa tête un gouverneur, un intendant et un évêque.

La priorité de cette nouvelle administration est l’importation de colons et notamment de femmes pour pallier le taux de masculinité très important.

La Nouvelle-France, en termes de peuplement, avait deux défauts : la faible densité de population et sa trop forte masculinité.

Comment donner envie à une femme de s’installer sur une terre sauvage ?

Jean-Baptiste COLBERT, ministre du roi, a alors l’idée de recruter des orphelines des maisons de chaire pauvres d’Ile de France ou de l’Ouest, elles ont quitté la France avec l’espoir d’accéder à une vie meilleure et une condition sociale plus alléchante. Et cela s’est vérifié, explique l’historienne québécoise Danielle Pinsonneault. Carte d'origine géographique des filles du Roy XVIIe siècle

En partant pour cette terre inconnue, elle prenait un nouveau départ. avec pour certaine une dot, équivalent à environ une année de labeur d’un ouvrier, soit entre 50 et 100 livres.

Lorsqu’elle se mariait avec un colon, le couple bénéficiait d’un contrat de mariage leur octroyant la garantie d’une terre de 30 arpents (10 hectares) au minimum. Ces privilèges leur auraient été totalement inaccessibles sur leurs contrées d’origine

Quelle est l’origine sociale de ces femmes ?

Longtemps, ces femmes ont été considérées comme des filles de mauvaises vies, des courtisanes, des filles de joies. Or il n’en est rien. Cette réputation qui traversa les siècles est aujourd’hui contestée par les historiens. «

Elles étaient, au contraire, plus sages et instruites que leurs contemporaines » affirment Jacques LACOURSIÈRE, auteur d’une Histoire populaire du Quebec (éditions du Boréal 1995). Avant leur départ, elles devaient montrer un « certificat de bonne mœurs » délivré par l’Église. Et une fois, arrivée de l’autre côté de l’Atlantique, elles étaient prises en charge par des bienfaitrices.

 

Encore fallait-il atteindre la terre promise.

Arrivée des Filles du Roy au Canada

La traversée de l’océan était une terrible épreuve. Elle durait en général deux mois et demi et connaissait des conditions épouvantables. Ces passagères étaient entassées sur des couchettes étroites, et étaient soumises à une humidité et une puanteur constante à proximité des animaux (chevaux, vaches, porcs, volailles …) transportés en fond de cale.

Cette promiscuité générait des maladies et de nombreuses passagères ne purent jamais fouler le sol de cette terre, espoir d’un avenir meilleur.

Le triplement de la population entre 1663 et 1683

Une fois remise sur pied, par les religieuses, les « Fille du Roy » trouvaient vite un mari.

En 1670, l’intendant de la Nouvelle-France, Jean TALON, souhaitait intensifier l’effort de peuplement. Il prit alors une mesure drastique concernant les pionniers : l’exploitation des terres étaient désormais soumise « au soutien d’une épouse ». Tout célibataire se retrouvait priver de ses « privilèges de chasse, de pêche et de traite de la fourrure avec les sauvages ».

Les colons se mirent en quête d’une épouse en urgence, afin de pouvoir poursuivre leur activité. Le passage chez le notaire pour le contrat de mariage était obligatoire avant le mariage à l’église. Ces filles du Roy, fraîchement débarquées, se retrouvaient à la fois nouvellement épouse, et mais découvraient également les rudes exigences d’un pays à défricher : couper des arbres, remonter le fleuve en canoë, coudre les fourrures pour se protéger du froid bien plus glacial que celui du royaume. Et tout ça en donnant la vie.

« La fécondité de ces femmes fut incroyable avec une moyenne de 8 enfants par couple ». Entre 1663 et 1683 la population de la Nouvelle-France tripla. Lors du recensement de 1698, la colonie comptait 20 000 habitants. Aujourd’hui, les Québécois ont pour habitude de dire, afin de rendre hommage au rôle de ses « migrantes » devenues mères de la nation, qu’il faut être malchanceux pour ne pas descendre de l’une d’elle.

 

 

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